Le Moulin Magalot

Le Moulin Magalot

avec l'aide de Lucien, Jean-Pierre et Philippe ROBERT dit Magalot
Plan cadastral Moulin Magalot
La commune de Poligny comptait bien avant la Révolution Française, trois moulins à eau. Le premier était situé vers les Casses de Villeneuve et s’appelait le Moullin(1) Millon et utilisait l’eau du Torrent du Rageoux. Le second, le Moulin Lestiquère à la frontière des communes de Poligny et la Fare, puisait son eau au Drac par le canal du Moulin. Le troisième, se situait entre Poligny et Villeneuve sur le Torrent du Riou Bel (voir carte ci-dessus). Il se nommait le Moulin Magalot et était utilisé par la plupart des villageois de Poligny, Villeneuve et Les Forestons.
Les meuniers Magalot
Sous Louis XV, en 1748, André ROBERT Magalot, était allégataire des Moulins Pressoirs avec Dominique Borel, le fonds appartenant au seigneur de Poligny Charles de Revilliase, d’après les archives en notre possession. En 1806, le moulin est revendu à Joseph Etienne Meyer, vétérinaire, puis en 1810 à Pierre Bonthoux, cadet de Villeneuve, puis à son fils. Mais la famille Robert continue à exploiter le moulin.
Le «Moulin du Ruisseau Bel» a naturellement pris le nom du sobriquet de la famille Robert au fil des générations pour devenir le «Moulin Magalot». André, Claude, Jean-Pierre, Pierre, Toussaint puis Clémentine sa veuve ont fait tourner le moulin jusqu’en janvier 1858. Le fils de Clémentine, Lucien Barthélémy alors âgé de 9 ans, beaucoup trop jeune, ne peut reprendre le flambeau. Mais le moulin ne s’arrêta pas... et nous continuons nos recherches afin de connaître la suite de l’histoire.
Le travail du meunier
En ce temps-là, on demande au meunier d’avoir des compétences relativement poussées pour exercer son métier. En 1790, l’académie des Sciences pose au moins neuf conditions : «On commence à convenir qu’un meunier doit connoître : les qualités des différentes espèces de grain qu’on est dans l’usage de réduire en farine ; la manière de les nettoyer et de les étuver avant de les moudre ; la construction de toutes les pièces d’un moulin, leurs rapports entre elles, leur méchanisme, leurs effets dans les différentes espèces de moutures, pour pouvoir faire ou faire faire à propos & convenablement les constructions & réparations nécessaires ; le bon choix des meules qui convient pour la différente mouture de chaque espèce de grain séparément, & pour celle des bleds mélangés, des bleds humides, des bleds secs ; les différentes espèces de mouture ; les différens bluteaux à employer selon les différentes moutures, & les différens produits qu’on veut en tirer ; les mêlanges de farine les plus avantageux pour le peuple (et enfin) l’art de conserver les farines.» (2)
Le moulin était alors loué à l’usage du meunier ; le bail est payé... en blé, bien sûr ; la moyenne étant d’environ 64 sommées de blé par an. De plus, l’entretien coûte très cher et le rendement n’est pas toujours assuré. Comment se fier aux caprices d’une rivière qui, en hiver, ressemble plus à un torrent impétueux qu’à un cours d’eau paisible et, en été, est fréquemment à sec plusieurs jours de suite ? 
Le meunier doit pour sa part accorder à son installation une attention permanente. La farine étant très inflammable, le risque d’incendie est quasi-permanent, surtout en été, période de chaleur et de grande activité. En hiver, il fallait veiller à ce que le torrent n’inonde pas la salle des meules, d’où un système de vannes mis au point pour tenter d’enrayer l’impétuosité des flots. 
Au nombre des dangers auxquels était soumis le meunier, le principal, car il est permanent, était le risque de voir ses doigts broyés entre les meules suite à une mauvaise manipulation. On dit d’ailleurs que des mains abîmées étaient la fierté de la corporation. Mais lorsque les vêtements se coinçaient, il y avait là danger de mort bien réel. En raison du bruit dans la pièce, il s’écoulait du temps avant de comprendre qu’un drame avait eu lieu.
Ce sont, bien sûr, les paysans du village qui portent leur grain au meunier, une fois la moisson terminée ou pendant l’hiver. Le travail effectué, le meunier est alors astreint à une tournée quotidienne chez les gens. Dans ce cas, il garde de 8 à 10 % de la farine obtenue. Si le client remporte sa farine, la commission du meunier n’est alors plus que du vingtième.
C’était un métier qui avait mauvaise réputation. Les paysans étaient très méfiants car il était possible de tricher sur la quantité de farine obtenue à partir du grain qui avait été apporté.
Les deux moulins
Le débit des eaux du Riou Bel jouait un rôle important dans le rendement d’un moulin. Une retenue d’eau avait été aménagée en amont pour réguler le flux. Un canal desservait le premier bâtiment qui était le moulin à grain. L’eau rejetée retournait au torrent ou allait au second bâtiment qui était le moulin à huile.
Chaque moulin comprenait une roue à pales (roue à aube mais à l’horizontale) qui se trouvait dans des caves voûtées en dessous des bâtiments. L’eau qui venait des canaux aménagés tombait en flux continu sur les pales qui actionnaient un axe faisant tourner la meule.
La roue à pales
La production
Les livres de compte du Moulin Magalot, datant de la fin du XVIIIème siècle, nous apprennent que le moulin servait à faire de la farine de blé dur (épeautre), d’orge, d’avoine, de pois et de lentilles, d’«erres» et de «zaisses». 
La lentille était très présente. Cette légumineuse poussait dans des sols très pauvres où rien d’autre ne pouvait être cultivé. N’oublions pas que certaines parcelles portaient le nom de « Lentillaire ». Beaucoup d’entre elles sont, aujourd’hui, recouvertes de forêts. Ayons à l’esprit que que les pommes de terre n’étaient pas encore cultivées dans le Champsaur. Le seul aliment «solide» qui tenait au ventre était le pain. Ces farines servaient pour la fabrication du pain ou de bouillies.

Bouillon de farine
Faire bouillir de l’eau salée, rajouter un chou
Rajouter de la farine de méteil 
(mélange de blé et seigle)
Faire cuire la matinée dans l’âtre

Et en fin d’hiver, quand il n’y avait plus de choux... on mangeait de la «Gastelle» mélange d’eau et farine simplement.
Nous n’avons que très peu d’informations sur le moulin à huile. Nous supposons une production d’huile de noix et de faines de fayard (graines de hêtre) et peut-être d’oeliettes. L’huile de faine, encore utilisée pendant la dernière guerre était très amère. Le travail pour ramasser ces graines était considérable avec un résultat peu avenant, mais, ce complément permettait d’ajouter de la matière grasse au régime alimentaire très pauvre de l’époque.
Avec le temps, les roues ont cessé de tourner, les moulins Magalot sont tombés dans l’oubli et la ruine. Aujourd’hui, on peut les retrouver, cachés ça et là, dans la végétation épaisse bordant Riou Bel. Il ne reste aujourd’hui qu’une meule cassée en deux au milieu de laquelle pousse un arbre. Heureusement les archives du moulin ont été conservées à travers les temps, ainsi, cet édifice, qui a permis, pendant des siècles, de nourrir les Polignacs ne tombera pas dans l’oubli.
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